Le projet Confluence initié dans les années 1990 reconstruit la ville sur la ville en transformant un quartier industriel et logistique en quartier à vivre avec une mixité d’activités. La phase 1 s’est terminée avec ses nombreuses constructions de logements, de nombreux espaces tertiaires et commerciaux, ou encore la création de la place nautique.
La conception de la phase 1 s’était déjà donnée l’ambition de la création d’un écoquartier pour les près de 2000 logements, dont 25% de logement social. Celle-ci s’est donnée comme ambition de réduire de 50% ses consommations énergétiques par rapport à la moyenne nationale. Cela s’est matérialisé par un réseau de chaleur urbain, des chaudières bois communes à l’îlot, des chauffe-eaux solaires ou des panneaux photovoltaïques. L’îlot mixte Hikari, livré en 2015, a réussi à être le premier îlot à énergie positive, produisant davantage que sa consommation propre et réinjectant les surplus d’électricité dans le réseau. Le jardin aquatique de Ouagadougou et l’aménagement des rives de Saône complètent le portrait par une végétalisation importante de l’espace. Toutefois, certains espaces sont encore assez minéraux et les voiries conçues largement pour un usage automobile. Ce sont des voies larges à double sens, ne prévoyant aucune place pour l’usage du vélo (obligation loi LAURE…).
Un réel écoquartier du XXIe siècle
Si la phase 2 côté Rhône concerne une superficie légèrement inférieure (34 ha vs. 41 ha) et avait déjà été entamée, elle ne mérite pas moins d’ambition, au contraire. C’est pourquoi nous avons souhaité apporter un certain nombre d’inflexions au projet urbain prévu, dès le début du mandat.
L’idée est d’affirmer l’ambition de ce « quartier du marché » comme étant celle d’un réel écoquartier du XXIe siècle, à la hauteur de la transition écologique nécessaire. Il se doit d’être massivement végétalisé sur toutes les strates, ainsi qu’un quartier piéton sans voiture. C’est ainsi que ce quartier pourra devenir un nouveau modèle et contribuer à l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.
Rappelons que nous sommes ici en hypercentre, sur la presqu’île de Lyon. Nous sommes à moins d’un kilomètre de la 3e gare ferroviaire de la région, ainsi que d’un pôle multimodal majeur de l’agglomération avec le métro A et de nombreuses lignes de bus. Le quartier en lui-même est desservi par une navette et deux lignes de tramway majeures, T1 et T2. La traversée nord-sud se fait en 20 minutes à pied, tandis que la traversée est-ouest nécessite moins d’un quart d’heure de marche.
Une Confluence pour toutes et tous
L’objectif est de faire de ce quartier un endroit pour toutes et tous. Le phénomène de métropolisation des dernières décennies a créé une dynamique néfaste pour la mixité sociale en centre-ville. Elle a fini par faire flamber les prix, que ce soient les loyers ou les prix à l’achat, réduisant considérablement le nombre de personnes ayant accès au logement en centre-ville. S’ajoute à cela une tendance sociétale accrue du rêve de la maison individuelle avec jardin, ce qui crée un cocktail particulièrement efficace pour éloigner certaines populations plus modestes des centres métropolitains. J’ai déjà pu évoquer que cela crée une « précarité énergétique mobilité » (cf. article sur la transition des mobilités) accentuant les difficultés de mobilités et dégradant la qualité de vie quotidienne, en particulier lorsque les emplois restent dans le centre.
A la Confluence, dans le cadre de ce projet d’aménagement urbain visant aussi à construire de nouvelles capacités de logements, l’objectif est de permettre à toutes les populations de se loger, y compris les plus modestes. C’est d’autant plus vrai que la ville de Lyon est presque totalement construite avec peu d’espaces encore constructibles, et que la transformation d’immeubles existants en logements abordables est complexe et coûteuse pour les collectivités, donc limitée.

Les inflexions en matière de logement visent à créer 60% de logements abordables et 40% de logements en accession libre. Ces logements abordables sont composés de 35% de logements sociaux, 5% de logements intermédiaires et 20% de logements dits en « bail réel solidaire (BRS) ». Le BRS est un outil de la collectivité qui permet à la foncière solidaire du Grand Lyon d’acquérir le foncier et de dissocier ainsi le coût d’achat d’un appartement entre bâti et foncier. Cela facilite l’accession pour les ménages de la « classe moyenne » qui peuvent plus facilement accéder à la propriété en centre-ville, tout en payant une modeste redevance mensuelle à la foncière.
La construction des immeubles résidentiels ou tertiaires mérite toutefois une tout autre ambition que précédemment sur le plan écologique. D’abord, en étant encore plus ambitieux sur les consommations énergétiques, en ciblant des valeurs 4 fois inférieurs aux moyennes nationales, et sur la décarbonation avec des scores E+C- très volontaristes d’un niveau C2 entre 40% et 80% plus bas que le seuil de base. Cela passe notamment par de nouvelles techniques de construction et des matériaux biosourcés comme le bois ou la terre crue.
Un quartier agréable à vivre et pour se déplacer
Créer un réel écoquartier pour la phase 2, cela passe par la création d’un quartier agréable à vivre, où le piéton est roi et où les voitures circulent majoritairement sur les axes les plus structurants. Notre volonté est de permettre aux habitants, des plus jeunes aux plus âgés, de s’approprier les espaces publics. On peut prendre en exemple le désormais ancien écoquartier Vauban de Fribourg (Allemagne) : piéton, végétalisé, bien desservi et avec de larges espaces pour les habitantes et habitants.
Le « quartier du marché » s’affichera sous la devise « vivre à la confluence, c’est sans voiture personnelle ». Pour limiter les flux de transit sur les petits axes de desserte, nous allons au maximum tourner les nouveaux accès souterrains vers les axes structurants du quartier. En plus de places au parking public « Marché Gare », certains souterrains pourront être créés et seront mutualisés au maximum au sein d’un îlot, voire au-delà. Ils pourront contenir des places de stationnement automobile et deux-roues, mais aussi accueillir des services de stockage ou autres logistiques. Les normes de stationnement seront cohérentes avec la construction d’un nouveau quartier très bien desservi et les enjeux du siècle, donc le plus bas possible pour les habitants, visiteurs et travailleurs. Ainsi, l’offre d’autopartage sera dimensionnée en conséquence pour permettre et faciliter les usages occasionnels de la voiture (courses encombrantes, weekends, visites courtes de proches, etc.).
L’inspiration nous vient aussi de Barcelone, championne de la réorganisation des circulations automobiles pour améliorer l’appropriation des espaces publics. Il s’agit du concept de « superblock » (ou « supermanzana ») qui vise à organiser les sens de circulation automobile pour limiter les flux de transit. A la Confluence, cette réorganisation passe par trois étapes:
- Piétonisation du tronçon du cours Charlemagne entre le quai Riboud et la rue Montrochet : concomitante à l’arrivée du tramway T2 pour simplifier les cheminements piétons et les fonctionnements de carrefours

- Réorganisation de la circulation automobile en mode « peigne » avec comme axe principal le quai Perrache

- Réorganisation du schéma de circulation du « quartier du marché » avec le principe du « superblock »


Lorsque nous affirmons notre volonté de revoir des enfants jouer dans la rue, cela passe par une telle organisation des flux pour garantir leur sécurité. Les flux automobiles seront faibles dans le « quartier du marché », ce qui facilitera l’usage des espaces publics par toutes et tous. Cela sera d’autant plus vrai qu’un nouveau groupe scolaire ouvrira à la rentrée 2023 dans le quartier. Conformément à notre programme de développement des « rues des enfants », nous avons décidé de créer un espace piéton végétalisé et ludique devant l’entrée: le chemin des écoliers. Cette extrémité sud de la rue Delandine sera perméable à 70% avec 111 arbres plantés et de nombreux arbustes entourant les divers mobiliers ludiques.
De nouveaux espaces publics
La conception d’espaces publics de qualité est une orientation forte, que je porte au quotidien, partout dans la Ville de Lyon. La question du partage de l’espace public, de sa conception inclusive et de sa végétalisation massive n’ont jamais été autant d’actualité. De nombreux nouveaux espaces publics verront le jour dans le quartier. Il s’agira par exemple de deux grandes places de 2500 m², fortement arborées : l’une est la place Truphémus, l’autre la place Hubert Mounier qui sera aménagée devant l’entrée du Marché Gare en hommage aux BD de l’auteur.
On y retrouvera également une rue transversale transformée en « allée canopée » avec 150 arbres, soit +100 arbres par rapport au projet initial, et au total 1000 m² de canopée et un tiers de la surface qui sera perméable. A terme, ce seront 16 500 m² qui seront piétons et largement végétalisés dans le quartier.

S’ajoute à cela la création du « Champ », un large espace vert d’un millier d’arbres et d’arbustes représentant plus de 7000 m² d’ombrage et une surface perméable à 75%. Le « champ » sera un espace fréquenté et apprécié par les habitantes et habitants. Dès 2024-2025, une grande aire de jeux verra le jour au sein du futur « champ ». En forme de chenille, elle sera un lieu de vie et de rencontre pour les nombreuses familles du quartier. Elle sera également particulièrement appréciée par les enfants, dénotant par rapport aux aires de jeux plus habituelles.
C’est aussi cela que de créer une ville des enfants : penser de nouvelles formes de divertissement et de lieux de rencontre dans des espaces à la conception soignée, agréables et sûrs. Faire de Lyon une ville des enfants est une nécessité pour que les plus jeunes puissent grandir dans un environnement sain, mais c’est aussi créer une ville plus inclusive lorsque les différents aménagements sont pensés et adaptés aux plus fragiles.
Une ouverture sur toute la presqu’île
Dans une situation d’urgence climatique, nous le savons, il ne suffit pas seulement de mener des politiques d’atténuation (réduction des émissions GES), il faut également mener des politiques d’adaptation. Cela peut passer par la présence d’eau en ville comme par la plantation d’arbres pour maximiser les espaces ombragés à terme.
Au total, nous augmentons le nombre d’arbres plantés de plus de 400 plantations supplémentaires sur l’espace public pour atteindre sur le domaine public et privé un total de plus de 2000 nouveaux arbres. Cela correspond à une canopée estimative de plus de 14 000 m² ! Et ceci vient sans compter les milliers d’arbustes qui ont la double vocation à favoriser la biodiversité et la fraicheur.
Plus au nord, c’est aussi la « verrue » du Centre d’échange de Lyon Perrache (CELP) qui va enfin entamer sa transformation. Après la réouverture de la voûte ouest, ou passage France Péjot, l’objectif est de continuer à creuser les ouvertures possibles entre la place Carnot et la place des Archives. Le CELP sera pôle multimodal (bus, car, tram, métro, parking voiture), espace de logistique urbaine, espace commercial et de restauration, jardin partagé et plus encore.

Réflexions finales : des défis à relever
Un premier défi qui reste à relever est l’implantation de commerces de qualité, dont un nombre important d’indépendants, dès les premières livraisons. Cela concerne aussi les activités artisanales ou autres activités productives qui peinent, comme les commerces indépendants, à s’installer dans les nouveaux quartiers d’une manière générale. C’est une attention particulière pour nous et un vrai challenge pour la construction de nouveaux quartiers.
Un second défi sera naturellement celui de la transformation de la M7 en boulevard urbain. Malgré de beaux visuels, aucun plan d’action ou de financement n’a été prévu précédemment. Nous en sommes donc à un déclassement administratif et une réduction de la vitesse maximale à 70 km/h. Les prochaines étapes sont la réduction du flux automobile pour sortir d’un cercle vicieux existant empêchant les aménagements et la réduction de la compétitivité de l’axe M7 comme axe de transit. Au quotidien, hors périodes de vacances scolaires, ce sont seulement de l’ordre de 15% des véhicules qui ne s’arrêtent pas dans le centre métropolitain. Les différents projets d’amélioration des transports en commun (dont prolongement métro B au sud), ainsi qu’un éventuel « RER Métropolitain », permettraient de réduire les flux en offrant des alternatives efficaces. L’axe devra ensuite évoluer en conséquence pour que le flux de transit passe davantage par la rocade Est que par le centre urbain dense. Il est évident que ces transformations, puis surtout les transformations urbaines de requalifications physiques nécessiteront de nombreuses années d’études, de travaux et de financements. A court terme, cela avancera toutefois par un réaménagement de la rive fluviale entre le Pont Pasteur et la M7 pour regagner du terrain et disposer à terme d’un espace public en connexion avec le Rhône.
Le troisième défi que je souhaitais aborder est davantage un questionnement sur la conception de nouveaux quartiers. Nous connaissons le contexte de changement climatique et nous avons des exemples de quartiers construits d’une manière particulièrement fraiche, par exemple comme le Vieux Lyon ou d’autres centres historiques. Sans forcément augmenter la densité de population de ces nouveaux quartiers : pourquoi ne construirait-on pas à l’avenir de nouveau des quartiers resserrés, frais, piétons, tel que le Vieux Lyon ? Ou sinon, pourquoi ne construirait-on pas des cœurs d’îlots végétalisés avec des chemins ombragés sous arcades comme ce fût le cas dans les cloitres ? Un nouveau quartier, ou même un nouvel îlot, part d’une feuille blanche. Il me semble que les architectes doivent pouvoir désormais encore mieux intégrer la nécessité de l’adaptation au changement climatique.
Concluons. La phase 2 matérialise nos ambitions en matière de quartier inclusif, agréable et locomotive de la transition écologique. Avec ses bâtiments bas carbone. Avec ses espaces verts. Avec ses places piétonnes. Avec ses rues apaisées. Avec ses offres de mobilité. Avec ses services publics. Oui, on assiste ici réellement à la création d’un « écoquartier du marché ».