Depuis des décennies déjà, l’extraction des ressources par les humains et toutes les pollutions engendrées par nos modes de vie amènent des chercheurs et penseurs à voir cette grande accélération comme un évènement éphémère de notre histoire, qui a un horizon défini et rencontrera son pendant, la stagnation voire la décélération associée. Cela fait l’objet en particulier de l’excellent The limits to growth de 1972 [1] ou, d’une autre manière, des différents rapports du GIEC [2]. En effet, le changement climatique était prévisible et prévu par les scientifiques qui alertaient déjà il y a plusieurs décennies. La concrétisation de son accélération, ainsi que l’effondrement de la biodiversité, les pollutions aquatiques ou atmosphériques ou encore les extractions de minerais ont amené davantage de personnes à réfléchir les questions de résilience, d’adaptation, voire d’effondrement de nos sociétés. Ce terme d’ « effondrement » est parfois mal compris et fait l’objet de multiples définitions.
Sans aller trop en détail sur le terrain de l’effondrement de notre société actuelle, la question de l’exploitation et de la disponibilité des ressources essentielles est au centre du cycle de vie des civilisations de l’histoire humaine. C’est un des sujets abordés par Jared Diamond dans son livre Collapse [3]. Selon les évolutions environnementales subies ou anthropiques (générées ou exacerbées par l’humain), une civilisation est contrainte à évoluer par manque de ressources essentielles à son fonctionnement. Cela peut entrainer l’effondrement de ladite civilisation, ce qui ne rime par ailleurs pas forcément avec la mort de la population. Une migration peut avoir lieu ou non, modifiant ses us et coutumes, sa culture alimentaire, etc.
Bref, l’objet de cet article est surtout d’analyser la résilience du territoire lyonnais face à un certain nombre d’aléas écologiques et économiques qui pourraient survenir dans les années à venir, voire se chevaucher pour certains. Il ne s’agit pas ici de peindre un portrait sombre de l’avenir, mais de faire un minimum de prospective et, d’une certaine manière, un jeu de pensées pour observer le territoire dans un monde éventuellement plus instable.
Avant de rentrer dans le concret, il est nécessaire d’affirmer que le concept de résilience territoriale est flou. Ceci est également valable pour le terme de biorégion [4] qui fait bien évidemment abstraction de frontières administratives pour ne prendre en compte que des frontières géographiques. Toutefois, selon les sujets (alimentation ou transports par ex.), ces frontières considérées peuvent ne pas être identiques. Plus concrètement, certains peuvent considérer qu’un bassin d’agglomération élargi est la bonne échelle, là où d’autres imaginent plutôt des espaces tels que les régions françaises ou encore Länder allemands.
Afin de sectoriser les différentes questions de résiliences sur le territoire lyonnais, je propose d’adopter les 5 grandes parties de la Convention citoyenne pour le climat [5], à savoir:
- Consommer
- Produire et travailler
- Se déplacer
- Se loger
- Se nourrir
Je me permets d’ajouter une sixième grande partie à cette liste, intitulée « Prendre soin et éduquer », car les questions de santé et d’éducation me semblent essentielles à ce sujet et ne sauraient se fondre dans une conception de la consommation, même si cela peut paraitre adapté d’un point de vue sémantique. La culture se retrouvera néanmoins dans « Consommer ».
J’ai longuement hésité à ajouter une catégorie sur la sécurité. Toutefois, la question de résilience est intrinsèquement liée à celle de sécurité sur de nombreux plans. Pour d’autres, le « Prendre soin » est également adapté et renforce la pertinence de cette grande partie.
Il est à noter que cet article pourra faire l’objet de mises à jour en fonction de la publication de nouvelles données.
Se nourrir
Manger est essentiel ! Nous avons envie de manger à notre faim, de bien manger, tant pour le goût que pour notre santé. La culture culinaire d’un territoire ou d’un pays est souvent particulièrement révélateur de la culture locale plus générale et un élément passionnant à observer.
Se nourrir c’est aussi le premier lien entre l’humain et son environnement. Cela caractérise les relations entre l’un et l’autre quand on sait la fragilité des sols, des cycles de l’eau, de l’azote ou du phosphore, de la biodiversité, de la qualité nutritive, du rendement.
La Métropole de Lyon a pu faire évaluer en 2017 sa résilience alimentaire dans le cadre de sa stratégie alimentaire territoriale [6]. Le résultat est sans appel, similaire à d’autres métropoles : une autonomie très faible de l’ordre de 4,6% seulement des aliments consommés par les habitants. Il est à noter que le périmètre choisi est de 50 km autour de Lyon et que ces taux sont calculés en fonction de leur valeur (€).
Dans l’état actuel, la sécurité alimentaire des habitants est donc plutôt faible, mais la bonne nouvelle est, qu’en théorie, la production de ce périmètre de 50 km pourrait couvrir jusqu’à 93% des besoins locaux avec une première étape atteignable de 15%. Pour atteindre cet objectif, le rapport indique deux leviers que sont le développement des filières de transformation alimentaire locales et le développement des débouchés locaux.

La tendance au localisme est particulièrement développé en termes d’alimentation. Si cela peut avoir un sens au niveau de la qualité gustative/nutritionnelle pour certains types de produits, cela semble moins l’être pour l’impact environnemental étant donné le transports massifié des marchandises. Néanmoins, il a un réel intérêt quant à l’investissement local et le développement de la résilience territoriale. Soutenir les agriculteurs locaux, qui plus est pratiquant une agriculture raisonnée ou agro-écologique, c’est investir localement son argent pour une biorégion plus vertueuse et, à terme, plus résiliente. Il est à noter que la distance de 50 km se parcoure en moins d’une heure en automobile et en moins de 3 heures à vélo.
Les points évoqués plus hauts concernent la résilience physique, mais cachent les questions socio-économiques sous-jacentes. Ainsi, le rapport mentionne également que 33% des personnes déclarent ne pas avoir les moyens de se nourrir correctement. Cela pose la question de l’accessibilité de la nourriture achetée, mais aussi une question de méthode d’évaluation de l’autonomie alimentaire, étant donné qu’elle est faite en fonction de la valeur monétaire et non du poids (kg) ou de la valeur nutritionnelle (kCal, minéraux etc.). Cela rejoint un autre élément intéressant concernant la part financière des achats de produits bruts : seulement 4% de la dépense alimentaire. Cela rejoint les questions de précarité socio-économique mentionnées, mais également les tendances sociétales des produits transformées et de l’éloignement de la cuisine.
Enfin, la prospective dont fait l’objet cet article ne doit pas cacher une réalité actuelle préoccupante, à savoir que 15% des personnes déclarent ne pas manger à leur faim aujourd’hui (enfin, en 2017). Cette donnée surprend et choque et, subjectivement, ne doit pas s’être améliorée lors de la crise sanitaire COVID-19.
L’autre facteur essentiel de notre alimentation est la disponibilité en eau potable. Le rapport ne mentionne que très peu cette question. D’autres [7] apportent des éléments importants. D’abord celui sur la provenance de l’eau potable, à savoir le champ de captage de Crépieux-Charmy, « plus vaste d’Europe », fournissant 88% de l’eau de la Métropole, soit 210 000 m3 par jour. Cette eau vient surtout du Rhône alimentant les nappes phréatiques souterraines. Si seuls 10% de la consommation est d’usage domestique, cette dépendance aux 11 puits de captage au nord de Villeurbanne pose une vraie question de résilience : comme cela est évoqué dans les documents de la Métropole de Lyon, d’une part par rapport au débit du Rhône dans les décennies à venir, d’autre part quant à une éventuelle pollution de ce champ de captage si unique. Si la distribution d’eau potable consomme 46 GWh d’électricité par an, il s’agit aussi de traiter les eaux usées. L’assainissement dans les stations d’épuration consomme par an environ 7 GWh de gaz et 62 GWh d’électricité. Enfin, il est à noter que l’eau est également utilisée par l’agriculture et les industries du territoire.
Se loger
En soi, la résilience du territoire lyonnais concernant le logement est importante. En effet, si dans les conditions actuelles il y a des pénuries de logements vu le solde positif de naissances et l’attractivité du territoire, cette analyse considère le logement comme un besoin essentiel dans une situation de crise et ainsi avec des possibles mutualisations plus importantes, a minima temporairement.
Plus précisément, la Métropole comptait en 2018 près d’1.4 millions d’habitants répartis en 640k ménages sur plus de 710k logements [8], soit un ratio d’un logement pour deux personnes. Cette réalité macro cache bien évidemment des disparités territoriales, ainsi que des disparités sur les surfaces de logements. Elle permet néanmoins de voir que le nombre de logements permet d’accueillir de nombreux habitants, a fortiori en temps de crise.
Ceci étant dit, certains aléas d’origine climatique pourrait venir ponctuellement changer la donne. Si Lyon n’est a priori pas prochainement candidate pour être parmi les territoires ayant un rapport température/humidité mortel pour l’humain, elle l’est davantage pour les vents violents, tempêtes ou fortes pluies. En cas d’inondations fortes, voire de glissements de terrains associés, certains quartiers à proximité des cours d’eau ou lacs pourraient se retrouver sous l’eau et ainsi être inhabitables et dégradés. Cela vaut également, même si dans une moindre mesure, pour les tempêtes et vents violents. Les risques associés en particulier aux inondations sont inscrits dans le Plan de Prévention des Risques inondations [9].
Selon la préfecture, dont les propos sont relatés dans cet article du journal Les Echos [10], 16 000 logements du parc privé peuvent être considérés comme indignes au titre de la loi. Cela souligne la nécessaire maintenance et les investissements continus dans le patrimoine bâti, afin de ne pas se retrouver après quelques années dans des bâtiments insalubres, voire dans un mauvais état structurel avancé.
Enfin, le logement concerne aussi la consommation énergétique pour le confort et la vie intérieure, en particulier la chaleur et l’électricité. Cela rejoint la discussion énergétique qui sera portée dans la partie « Produire et travailler ». Toutefois, le Plan Climat Air Energie territorial (PCAET) de la Métropole de Lyon [11] indique que moins de 10% des besoins en chaleur étaient couverts par des énergies renouvelables ou de récupération locales (UTVE, bois, chaleur de récupération).
Produire et travailler
Avant de rentrer dans les détails économiques et d’emploi de l’agglomération lyonnaise, il me parait essentiel de faire une halte sur le sujet de l’approvisionnement énergétique et matériel du territoire. En effet, sans énergie ou apports de matière première, il est difficile d’imaginer une quelconque activité productive et c’est en ce sens qu’une analyse de la résilience et de l’autonomie parait incontournable.
Résilience énergétique

L’avantage d’un territoire comme la Métropole est la disponibilité de la documentation, du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) au Schéma directeur des énergies (SDE) [12]. Venons-en directement à la conclusion, la Métropole de Lyon n’est pas résiliente en matière d’approvisionnement énergétique. Le schéma ci-dessus est éloquent. Environ 91% de l’énergie consommée annuellement est importée. Si certaines importations sont d’origines proches, comme l’électricité ou le bois-énergie, d’autres sont beaucoup plus lointaines comme le gaz venant de Norvège ou Russie ou les produits pétroliers venant du Moyen-Orient ou d’Asie centrale. Il est à noter également qu’un certain nombre de ces pays ne peuvent pas être considérés comme les champions de la stabilité politique ou économique. Néanmoins, on peut se satisfaire du réseau de gazoducs et oléoducs qui contribuent à un acheminement moins polluant et indépendant de la route.
Restons un instant sur les hydrocarbures. Le rapport « L’empreinte matérielle des importations lyonnaises » de 2017 [13] indique que sur les 147 millions de tonnes importées, 40 millions de tonnes sont du pétrole et dérivés, dont une majorité de brut et une partie de produits pétroliers déjà raffinés à usage direct du secteur des transports. L’usine important principalement le pétrole est la raffinerie de Feyzin qui emploie plus de 2000 personnes et raffine du pétrole pour plus de la moitié des besoins de Rhône-Alpes [14]. Comme indiqué dans le rapport de 2017, on peut se poser des questions d’anticipation de la baisse d’approvisionnement et/ou de demandes en carburant, afin d’organiser une transition pour ce site industriel majeur (115 ha) au sud de Lyon. Entre temps, cette usine de raffinage est un atout important pour la région car il représente aussi une forme de résilience quant à la valorisation de pétrole brut, tout comme le stockage de brut ou raffiné. Ce dernier sujet peut être considéré comme un enjeu stratégique surtout à un échelon national, il l’est néanmoins aussi pour le territoire concerné. Les capacités de stockage de la vallée de la chimie ou au Port de Lyon Edouard Herriot n’ont pas pu être récupérées.
Concernant la production d’énergie sur le territoire, il s’agit de 2000 GWh/an, dont une grande partie liée à l’hydro-électricité, bois-énergie et récupération de chaleur par incinération des déchets. La production électrique locale s’élève à environ 850 GWh/an avec un potentiel de croissance important du solaire photovoltaïque de plus de 1800 GWh. Le restant de la production concerne la chaleur dont l’alimentation du réseau de chaleur urbain. Les potentiels de développement concernent surtout le solaire thermique (~3000 GWh) et le bois-énergie (triplement à 2400 GWh dans un rayon de 150 km).
Il faudrait également creuser la question, légèrement technique, du fonctionnement des réseaux d’acheminements de l’électricité pour évaluer leur résilience face à des blackouts sur un sous-réseau (tempêtes ou autres défauts techniques). C’est ce qui est arrivé en 2003 en Italie, alors que la panne liée aux lignes de haute tension était située en Suisse.
On voit que les potentiels de développements locaux ne suffisent pas en théorie à répondre aux immenses besoins énergétiques de la Métropole. Ceci n’est pas une surprise, étant donné les fortes consommations en pétrole et gaz et l’absence locale de ces ressources denses en énergie. Si une sobriété forte est essentielle dans la transition énergétique, cela pose malgré tout la question de la résilience de la Métropole quant aux enjeux énergétiques. Cela ne diverge pas de nombreux territoires urbains du monde, notre économie étant très largement sous perfusion des énergies fossiles, mais questionne sur la résilience du territoire et la priorisation des accès à l’énergie. En effet, comme nous le verrons ci-dessous, l’économie locale a encore d’autres dépendances incertaines. En même temps, l’approvisionnement des denrées nécessaires et le fonctionnement des services publics essentiels nécessitent différentes formes d’énergies.
Un exemple particulièrement récent de crise multifactorielle et de résilience restreinte est la crise énergétique iraquienne de l’été 2021. Dans un contexte de tensions économiques sur fond de sanctions (notamment des Etats-Unis), l’Iran, principal fournisseur de gaz de l’Iraq, a décidé de couper les vivres en raison de la dette trop importante accumulée [15]. Une somme de 4 milliards de dollars qui coûtent chère à la population iraquienne tenue par un été caniculaire, de plus en plus habituel, avec des températures avoisinant les 50°C. Alors que les bâtiments consomment beaucoup d’électricité pour refroidir l’intérieur et que les hôpitaux sont sous tension avec la canicule et le coronavirus, la production électrique chute fortement de -66% à -75% [16]. Ceci est dû au manque de gaz servant à générer de l’électricité dans le pays, mais aussi à la sécheresse aggravée réduisant les capacités hydroélectriques. Des familles démunies ne savent comment rafraichir leurs enfants voire nouveau-nés et les hôpitaux font face à des coupures partielles, malgré les groupes électrogènes de secours. Ces derniers et ceux utilisés par le grand public font parfois l’objet de marchés informels et ont en ces temps, malgré leurs bénéfices temporaires, aussi des conséquences importantes sur la santé locale avec une augmentation en flèche de la pollution de l’air [17].
On voit à travers cet exemple la fragilité d’un système peu résilient, en particulier face à la rupture énergétique. Les services publics, la vie personnelle et professionnelle en temps de canicule, la préservation des denrées alimentaires périssables, la qualité de l’air etc. subissent des chocs importants, d’autant plus impactant sur fond de planification et investissements insatisfaisants par le passé.
Résilience matérielle
Parmi les 147 millions de tonnes importés, il y a aussi de nombreux métaux (cuivre, aluminium, fer, etc.) et minéraux non métalliques (sables, graviers, pierres, etc.), ainsi que de la biomasse (dont alimentaire) principalement dédiée aux ménages et déjà évoquée précédemment.
L’économie productive du territoire est avant tout une valorisation de type « import-export ». En effet, seuls 22% des importations sont destinées à la consommation finale locale, dont surtout l’alimentaire et les produits pétroliers raffinés ou non. S’il est habituel qu’une économie fonctionne par valorisation puis export, il semble s’agir en région lyonnaise d’une situation particulièrement développée, à l’instar de la filière chimique. La région serait davantage dépendante que les autres métropoles françaises. Ce qui pose également question, comme le souligne le rapport, est le fait que 2/3 des ressources importées sont épuisables et non disponibles en France. Une crise majeure d’approvisionnement aurait donc un impact significatif sur l’économie lyonnaise et sa population active.

Bien évidemment, toute la population active ne travaille pas dans le secteur industriel, loin de là, et nous avons pu observer durant la pandémie les possibilités de continuités de service de la part du secteur tertiaire avec une aisance du télétravail et des outils numériques. Malgré tout, ce secteur tertiaire est, pour partie, à un moment donné connecté au monde et activités physiques qui, en temps de crise comme celle sanitaire que nous avons vécue, ralentissent voire s’arrêtent et peuvent impacter la chaine productive entière.
Le travail agricole
Malgré une partie « Se nourrir » développée, je souhaitais ici revenir sur la capacité de certaines activités à encaisser le choc, que ce soit dans une partie du secteur secondaire ou primaire. Le fonctionnement actuel de notre agriculture est très dépendant d’intrants (dont engrais azotés, produits phytosanitaires, etc.) et de pétrole pour les transports (engins agricoles, acheminement vers atelier/usine de transformation, acheminement pour préparation à la vente, etc.). Aussi n’existent-ils plus que quelques centaines ou milliers d’agriculteurs, par ailleurs ayant un âge assez avancé. Tout comme celle soutenable étant donné le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité, l’agriculture de crise nécessite du travail manuel, plus écosystémique et le concours de chacun. A la différence qu’aujourd’hui il ne reste plus que 1,5% de la population active dans ce secteur, quatre fois moins qu’il y a 40 ans [18] et bien moins que dans les années 1950. Cela veut également dire que le savoir-faire largement partagé dans la société n’existe plus au-delà des potagers personnels. Ceci s’ajoute à la question des importations déjà évoquée et à des considérations géographiques. Certains sols ont été abimés ou pollués par d’autres activités ou ont des fertilités limitées pour du maraichage en raison des plantations précédentes (parcs, jardins, friches, cultures céréalières, etc.). La capacité d’adaptation de l’humain reste néanmoins totale, tant sur sa capacité productive que sur son régime alimentaire.
Communication
Travailler nécessite souvent de se déplacer, ce que nous aborderons par la suite, mais nous devons également discuter du déplacement des informations : la communication. Elle nous parait évidente et simple à l’heure des smartphones et de la 4G ou de la fibre. Ce réseau de télécom nécessite néanmoins des réseaux bien entretenus et est assez énergivore. Un scénario de coupure de longue durée du réseau n’est pas imaginable aujourd’hui, elle aurait toutefois un impact majeur. Ce n’est pas un hasard si les plans de prévention des risques suggèrent de toujours garder une radio à pile chez soi et de tendre l’oreille vers les sirènes communales.
Prendre soin et éduquer
Lorsqu’un choc frappe la société, il y a une nécessité accrue de prendre soin des uns et des autres, même si la capacité d’adaptation des humains est incroyablement développée. Une bonne part de cette prise en charge est une mission de service public, assurée par les personnels et équipements médicaux, les sapeurs-pompiers, policiers et tant d’autres.
Sapeurs-pompiers
L’importance des pompiers n’a pas besoin d’être rappelée. Au-delà des premiers secours, gestion des incendies ou inondations, ce corps est en réalité un couteau suisse d’une valeur infinie. La récente pandémie l’a de nouveau démontrée.
Dans le Rhône, il existe une centaine de casernes (Octobre 2020) avec 6000 sapeurs-pompiers professionnels, volontaires, personnels administratifs et techniques [19]. Il se trouve que le site du SDMIS 69 présente un rapport d’analyse effectué en 2017 sur les émissions de GES de 2015 sur les scope 1 (gaz, carburant, etc.) et scope 2 (électricité, réseau de chaleur, etc.) [20]. On y retrouve de nombreuses informations intéressantes sur leur fonctionnement. La consommation était de 7 MWh d’électricité et 10 MWh de gaz dans les bâtiments. Côté véhicules, il s’agit de près de 830 000 litres de carburant, dont surtout du gasoil.
Il est à noter que le SDMIS s’est doté d’une stratégie de réduction des GES et a réduit de 7% ses émissions entre 2012 et 2015 (même si l’objectif de -10% a ainsi été manqué). Les émissions pour l’année 2015 du SDMIS était donc de 6000 t CO2eq, somme toute relativement faible pour un service public aussi capital.
En cas de besoins, il y a également d’autres bénévoles, comme celles et ceux de la Croix-Rouge ou de la Protection civile qui peuvent venir en aide ou secourir des sinistrés. A l’échelon national, ces deux organisations compte plus de 100 000 bénévoles [21] qui viennent au quotidien en aide aux sans-abris lors de maraudes ou pour les campagnes de tests COVID-19. Le nombre de bénévoles dans le Rhône n’est pas connu.
Police
Les informations concernant la police sont assez difficiles à trouver, tant sur leur nombre que leurs consommations énergétiques. Si le nombre de policiers nationaux de la circonscription de sécurité publique autour de Lyon est sans doute de quelques milliers, il y avait environ 800 policiers municipaux dans le Rhône dont au moins 650 dans les communes de la Métropole de Lyon [22]. A cela s’ajoutent environ 200 agents de surveillance de la voie publique (ASVP). Similaire aux pompiers, ce service public est pour le moins essentiel et figure avec certitude parmi les services prioritaires en cas de difficultés d’approvisionnement énergétique ou matériel. Se pose néanmoins la question sur certains matériels bien spécifiques, ainsi que sur les effectifs, étant donné le manque actuel de policiers et les difficultés de formation et recrutements associées.
Si le système de justice en soi est relativement résilient, notre imaginaire collectif de fiction retranscrit régulièrement des contextes de crises avec des warlords et leurs milices faisant la loi. Il est probable qu’une instabilité sociale, politique et économique se traduit par des difficultés du maintien de l’ordre public et de l’application de la loi, on peut néanmoins admettre qu’il faudrait pour cela être dans un stade d’effondrement avancé, par exemple sur l’échelle d’Orlov [23].
Le système de santé
On a pu l’observer à l’extrême durant la crise sanitaire, le système de santé est essentiel, bien-sûr en cas de crise sanitaire, mais il l’est tout autant en cas d’autres crises et tout simplement au quotidien. Les médecins généralistes ou spécialistes, soignantes et soignants, infirmières, dentistes, orthophonistes, etc. se chiffrent en dizaines de milliers sur le territoire. Rien que les Hospices Civils de Lyon (HCL) emploient plus de 24 000 professionnels.
Durant cette pandémie, nous avons aussi pu vivre ce qu’étaient des ruptures d’approvisionnement significatives sur les dispositifs médicaux, comme les masques, gants, blouses, mais aussi le manque de respirateurs ou certains médicaments. Fort heureusement, même si cela prend un certain temps, des industriels dans tous les pays se sont mis à produire certains de ces dispositifs, voire en inventer d’autres ou sous d’autres formes, en parallèle de l’accélération de la production des usines existantes. Cela pose durablement la question de la résilience, en lien aussi avec la simple présence industrielle sur un territoire. L’analogie avec les temps de guerres peut être faite, à l’instar des usines automobiles ou autres qui se sont mises au service des besoins de l’Etat. Cette question nous a toutefois fait également prendre conscience de la dépendance absolue que nous avons concernant les médicaments (a minima les principes actifs de ceux-ci), souvent fabriqués à l’étranger, dont beaucoup en Asie du Sud. Une politique de relocalisation stratégique me semble plus que nécessaire sur certaines productions clés. Précisons ici que les HCL ont une usine de production propre pour certains médicaments ou dispositifs spécifiques [24].
Quant à la continuité du service, elle est également pleinement dépendante des apports en énergie pour effectuer les interventions chirurgicales ou tout simplement alimenter les bâtiments, personnels et patients. Avant de rentrer dans le détail des consommations, on apprend dans le rapport des HCL [25] un engagement partenarial de réduction des émissions GES et notamment une volonté de réduire d’ici 2030 de 40% leurs consommations énergétiques.
Le site dédié à la responsabilité sociétale et environnementale [26] nous indique que les HCL ont consommé en 2018 près de 150 GWh de chaleur (dont une partie en réseau de chaleur urbain) et 120 GWh d’électricité. A cela s’ajoute une consommation importante de 600 000 m3 d’eau, soit selon leur site 246 piscines olympiques, en baisse de 40% en 10 ans. En revanche, aucune information n’est donnée sur les besoins en matériels, hormis le fait que 25% des 9000 tonnes de déchets sont d’origine chimique, radiologique ou à risque infectieux (dont a priori seringues, gants, masques, etc.).
On y apprend également que leurs sites et activités émettaient en 2018 environ 25 000 t CO2eq ce qui correspondrait approximativement à 5t CO2eq par lit et par place. Cela équivaut à environ 2500 habitants supplémentaires vivant dans les conditions de vie et de consommation moyennes dans la Métropole.

Continuité de l’éducation et de l’enseignement supérieur
La résilience du système éducatif dépendra fortement du type de crise à laquelle faire face. Une crise systémique majeure d’ordre tant énergétique, matérielle qu’alimentaire ne permettra probablement pas une continuité de l’éducation, car les besoins essentiels seront ailleurs, avec par ailleurs un exode urbain imaginable de la part des familles. Dans le cas d’une crise matérielle et énergétique restreinte, une continuité en présentiel peut être assurée car c’est d’abord la transmission de connaissances en collectif qui à la base de l’éducation à tout niveau. Une adaptation aurait lieu sur la façon d’enseigner et d’interagir en classe, tout comme cela a pu être le cas durant la pandémie COVID-19 avec des cours à distance avec notamment les outils numériques existants. Si la mise en place a pris du temps, elle pose durablement surtout la question des inégalités sociales, en particulier pour l’accès à des ordinateurs portables ou tablettes de grande taille, afin d’avoir une qualité de travail adéquate au domicile.
Gestion des déchets
Outre les questions de santé et d’hygiène déjà évoquées, la salubrité est un enjeu essentiel pour un cadre de vie agréable et une hygiène urbaine satisfaisante. Actuellement, les déchets ménagers, recyclés et le verre sont récoltés par les agents du service public, au plus proche du domicile. Il est à noter que la collecte des biodéchets va s’accélérer, aussi conformément à la loi, avec la généralisation de bacs de collecte des biodéchets, en supplément des composteurs présents dans la Métropole. Il y en aurait environ 500 en 2021 dans la Métropole [27]. La collecte des biodéchets est essentielle pour le cycle de vie des nutriments pour maintenir des sols fertiles et équilibrés (azote, phosphore, carbone, etc.). La présence des composteurs, mais également de bacs de collecte constitue ainsi un aspect important de la résilience face à des chocs d’approvisionnement alimentaire, afin de pouvoir créer de nouveaux espaces agricoles.
En ce qui concerne la collecte des ordures ménagères, nous nous appuierons sur l’analyse des émissions GES de la Métropole de Lyon de 2018 [28]. Elle indique que l’ensemble des véhicules de collecte consomme 2,4 millions de litre de carburant. La plupart roulent au gasoil, même si certains biocarburants ou véhicules GNV sont arrivés depuis dans le parc. A l’inverse de l’UTVE qui consomment des dizaines de GWh de gaz et électricité par an, les centres de tri ont une consommation électrique relativement faible (3,8 GWh par an). Il est à noter ici que la collecte accélérée des biodéchets pourrait réduire le nombre de déchets ménagers, cela pose toutefois la question de l’alimentation des réseaux de chaleur, dont une partie est assurée par les UTVE.
Les services de nettoiement ajoutent environ 1 million de litre de carburant à l’addition pour le nettoiement mécanisé des voiries. Les cantonniers ont quant à eux des missions surtout manuelles dont le nettoiement des trottoirs et autres espaces piétons.
Après la tempête Alex dans la Vallée de la Roya en Octobre 2020, outre les forces de secours et l’armée française, la solidarité s’est aussi organisée entre habitants. De nombreuses initiatives ont vu le jour [29]. Un centre de collecte de dons a été ouvert dans un gymnase à Breil ; des alpinistes, cordistes et pompiers volontaires ont acheminé des vivres et aider les secours à faire des mises en sécurité ; de part et d’autre du torrent, des habitants ont créé un tyrolienne pour acheminer certains produits par des sots ; un boulanger a distribué gratuitement un pain par foyer ; des entreprises comme la SNCF ou Decathlon ont acheminé de l’eau ou récolté des couvertures, tentes, vêtements ; etc.
Enfin, en cas de crises temporaires comme des canicules extrêmes, il s’agira fortement de prendre soin des autres en plus de soi et de ses proches. Le sujet de l’entraide a pu faire couler beaucoup d’encre ces dernières années et sera capital dans les années à venir. Cette entraide pourra être interpersonnelle, mais également collective en mettant par exemple à disposition des personnes en besoin des espaces communs, comme des halls climatisés et à l’abri. Le rôle des collectivités territoriales et, en particulier, des communes sera majeur pour informer et prendre soin de sa population dans un premier temps.
Se déplacer
En cas de rupture d’approvisionnement généralisée en produits pétroliers se posent bien évidemment de nombreuses questions, étant donné les imbrications fortes et complexes de notre modèle économique et industriel mondial avec l’or noir ou ses dérivés. Les conséquences iraient probablement bien au-delà d’une simple adaptation de nos vies, ici sur le volet des mobilités. Néanmoins, le besoin de déplacement restera élevé si on en croit ne serait-ce que les fonctionnements des sociétés avant l’ère pétrolière.

La marche est en 2015 le deuxième mode de déplacement le plus utilisé dans la Métropole et figure sur la première place du podium dans les communes centrales [30]. Hormis les difficultés liées aux conditions climatiques (chaleur, tempêtes et vents, fortes pluies, inondations etc.), cette mobilité restera bien évidemment toute naturelle.
Les habitants de la métropole lyonnaise possèdent environ 600 000 voitures et 100 000 véhicules utilitaires, dont une large partie de véhicules diesel et essence, environ 5000 voitures électriques et 4000 véhicules utilitaires roulant au gaz [31]. Cela marque une disponibilité très importante du parc automobile avec largement plus de places disponibles que d’habitants de la Métropole. Une attention toute particulière en termes de mobilité doit être donnée aux personnes à mobilité réduite, que ce soit des personnes âgées ou ayant un handicap, car elles peuvent être dépendantes de l’automobile pour certains trajets, voire dépendantes d’autres personnes accompagnatrices.
La résilience du système automobile est éminemment liée à l’énergie. La diversité des motorisations augmente les chances de trouver un véhicule apte à rouler, même s’il faut également se poser la question de l’efficacité énergétique du véhicule, afin de ne pas gaspiller une ressource potentiellement rare en temps de crise énergétique.
Les transports en commun lyonnais fonctionnent surtout à partir d’électricité (métro, tramway, trolleybus) et de produits pétroliers (bus, cars). Outre les besoins de maintenance (réparations et matériels, eau et autres produits de nettoiement, etc.), la sécurité d’approvisionnement du carburant ou de l’électricité se pose. D’après le rapport du délégataire TCL de 2020, la consommation est de l’ordre de 20 millions de litre de gazole, 15 GWh de gaz et 100 GWh d’électricité par an. Comme indiqué à la partie précédente, la production électrique dans le seul territoire de la Métropole de Lyon permettrait de couvrir les besoins en électricité des TCL. La marge est élevée, d’autant plus avec le potentiel de développement du photovoltaïque, mais la question de la priorisation se posera quant aux autres activités essentielles. Le PCAET indique un gisement potentiel important de biogaz (357 GWh vs. 12 en 2015), qui permettrait de couvrir largement les besoins, y compris avec le développement des bus au gaz. Le détail de la provenance de ce gisement de biogaz n’est néanmoins pas indiqué et la concurrence avec la production alimentaire peut être forte et ne saurait être soutenable. Les autres carburants font écho à la production, au raffinage et stockage pétrolier évoqué dans une section précédente.
Quant au train, je n’ai pas à ce stade trouvé de données adéquates, mais cela rejoint les enjeux de stabilité du réseau électrique, des capacités de télécommunication et de maintenance.
La résilience du système vélo me semble surtout liée au nombre de vélos disponibles pour les habitants localement. Si aujourd’hui tout le monde ne pratique pas le vélo, cela n’empêche que sa pratique est accessible à bon nombre d’habitants en théorie et en pratique. Un recensement du nombre de vélos n’existe pas à ma connaissance. Toutefois, on sait qu’il y a environ 5000 vélo’v en libre-service [32], 17 000 demandes de subventions à l’achat d’un vélo en 2020 [33] et que 10 000 vélos [34] seront prochainement prêtés par la Métropole à des jeunes. Etant donné les compteurs sur le territoire [35], on peut aisément estimer le nombre de vélos « actifs » à plusieurs dizaines de milliers, en forte croissance. Selon des estimations du ministère de la transition écologique [36], le « Coup de pouce vélo » aurait permis la réparation de 1,9 millions de vélos en France, dont certainement une partie retrouvant de longue date la lumière du jour. A Lyon, ce chiffre tournerait à plus de 30 000 cycles.
Enfin, c’est la question des pièces de remplacement qui peut être un facteur limitant, sachant que les filières industrielles ont été délocalisées pour une bonne part. C’est ce que l’on voit en période de pandémie COVID-19 avec une rupture d’approvisionnement de certaines pièces comme les dérailleurs, cassettes, mais aussi pneus ou batteries électriques. En somme, le vélo comme moyen de transport le plus efficace si on interprète les propos d’Ivan Illich, mérite encore de plus amples développements pour offrir un système complètement résilient sur le territoire.
Consommer
La consommation est au cœur de notre société moderne. Malgré cela, elle n’en reste pas moins facultative pour une bonne partie des produits non essentiels. Une question importante reste l’habillement. En l’occurrence, les quelques dernières décennies ont amené des consommations de textile particulièrement importantes. D’après le documentaire de France 5 « Vêtements, n’en jetez plus » [37], chaque français achèterait 20-30kg de vêtements par an et possèderaient encore 60% de leurs vêtements sans les mettre. S’il y a un vrai problème de partage, de réutilisation ou de recyclage, le nombre de vêtements à notre disposition peut être considéré comme largement suffisant.
Le sujet principal est celui de la sobriété matérielle, ce qui rejoint les enjeux liés à la lutte contre le changement climatique et les pollutions de l’eau et extractions de ressources. En temps de crise, elle pourrait être toute naturelle concernant les consommations non élémentaires. Peu à peu, l’enjeu est également de trouver une frugalité plus poussée dans notre quotidien, afin de ne pas alimenter un emballement déjà largement lancé.
La question des consommations rejoint également celle des finances (personnelles ou non) et de la monnaie. En effet, cette dernière est capitale dans notre société et relève d’un facteur « confiance » significatif. En effet, selon le type de crise, la confiance dans le système financier et les monnaies (ici l’euro) peut être ébranlée et ainsi massivement faire varier la valeur monétaire à l’instant t. Toutefois, il est à noter avec surprise l’incroyable résilience jusqu’alors du système financier. On peut bien évidemment évoquer la crise des subprimes en 2008, mais d’autres évènements auraient pu faire vaciller le système monétaire et financier, sans succès. L’économie étant un jeu humain et la finance en étant une des composantes, s’étant par ailleurs de plus en plus éloigné de l’économie physique, on a pu observer que certaines crises physiques n’entrainaient pas forcément de crise financière. La crise sanitaire et ses confinements à l’échelle mondiale en ont été un exemple. La crise a été considérée comme un évènement non anthropique (en première approche…) temporaire et subie par les humains, ainsi et avec l’aide des plans de relance des Etats, la confiance dans le système économique et financier n’a pour l’instant (mi-2021) pas chuté.
A l’échelon local, les monnaies locales complémentaires (MLC) sont un outil intéressant au quotidien pour recréer un cercle vertueux dans l’économie physique avec des valeurs sociales, environnementales voire démocratiques affirmées. Ainsi, à Lyon, la Gonette [38] permet de soutenir des acteurs économiques diverses s’insérant dans la charte de valeur associée. Elle permet aussi de créer un lien entre clients et fournisseurs professionnels, membres du réseau. En somme, c’est un outil de réappropriation de la monnaie à des fins de transition écologique et solidaire de son propre bassin de vie. En temps de crise se posera la question si une monnaie locale complémentaire pouvait se dissocier plus fortement de l’euro, afin de moins subir les éventuelles fluctuations de valeur.
Enfin, c’est aussi l’accès à la culture qui peut pâtir, notamment les accès aux lieux culturels collectifs tels que les cinémas, théâtres ou salles de spectacles. Si l’accès à la littérature me semble moins précaire (livres déjà acquis, bibliothèques et librairies, e-books, etc.), les salles pourraient faire l’objet de rationnements forcés liés aux fluides des bâtiments ou aux transports de matériels et personnes nécessaires.
Sortir des silos et éduquer nos consciences
Sortons des silos. Afin de faciliter l’analyse et la lecture de cet article, j’ai choisi de reprendre les grandes catégories de la convention citoyenne pour le climat. Aussi pour lui rendre hommage. Néanmoins, elles obèrent la réalité, dont toutes les interconnexions et relations entre les différents sujets. Ainsi, selon les types de crises, les chocs peuvent entrainer des difficultés sur de nombreux plans : énergétiques, alimentaires, matériels, sociaux, économiques, etc. Seule une vision systémique permet de faire une photographie réaliste et de donner du sens à cet exercice de prospective. Les interdépendances sont extrêmement fortes et complexes dans notre monde. Aussi ne faut-il pas oublier les liens avec les territoires adjacents, quel que soit l’échelle à laquelle on se place. Nous parlons ici de dépendance envers l’extérieur, mais parfois, voire souvent, les territoires environnants pourront répondre à des besoins d’approvisionnement ou ne feront pas en même temps face aux mêmes chocs. Ainsi, chaque territoire a bien évidemment ses spécificités géographiques qui sous-tendent les questions de ressources disponibles.
Nous avons largement traité la question des ressources et voyons, sans surprise, que des choix énergétiques difficiles se profilent. Si certains services publics auront des priorités de continuités assurées, d’autres activités pourraient bien se trouver en concurrence les unes avec les autres, c’est ce qu’essayent d’illustrer les graphiques (incomplets) ci-dessous, affichant seulement les quelques consommations des services publics analysés.



Je souhaiterais dire ici que cet article se veut progressif et en aucun cas exhaustif dans son approche de la résilience d’un territoire. Il y aurait encore de nombreuses choses à dire et surtout de nombreux détails à mettre au jour pour avoir une vision complète. Il faudrait également préciser les différents types de crises et leurs implications qui peuvent être radicalement opposées les unes des autres et par ailleurs différentes entre le territoire lyonnais et d’autres territoires régionaux ou français. Il faudrait également regarder davantage de situations sociales aujourd’hui et sur des zonages plus fins pour pouvoir évaluer les conséquences et impacts selon le niveau de revenus, l’âge, la condition physique ou psychologique ou autres.
En effet, le terme de « résilience » (surexploité dans ces pages) revêt d’abord de deux définitions sur le champ physique [ concernant la résistance au choc d’un métal ] et psychologique [ la capacité à surmonter des chocs traumatiques ]. Si cet article met un accent fort sur les liens physiques et biophysiques, c’est qu’il y a sujet non négligeable autour de notre dépendance aux ressources, mais on ne pourrait pas oublier que la résilience est aussi et d’abord psychologique et collective. Au quotidien, les liens sociaux que nous tissons avec nos voisins, amis ou collègues sont des réseaux essentiels qui en temps de crise peuvent se transformer en réseaux d’entraide et de solidarité, au service d’autrui. Cette partie n’est pas à négliger, bien qu’elle puisse nous paraitre lointaine, nous, majoritairement urbains, vivant en communauté quand on le souhaite, mais surtout dans l’anonymat et la solitude de notre habitat urbain. Tant la transition écologique (et solidaire !) que les crises auxquelles nous feront face dans les décennies à venir nécessiteront plus de liens humains et davantage de solidarité. Ceci est d’ailleurs valable à un échelon plus important. Une sorte « d’empathie globale » est certainement à développer, car sur ces sujets transversaux, nous ne sommes pas seuls et la solidarité internationale, tant dans l’atténuation que l’adaptation, sera un enjeu central.
Tous les grands enjeux du XXIème siècle méritent d’être traités avec une approche systémique. Le sujet de la résilience mérite d’être davantage discuté et débattu. Il doit surtout entrer dans notre quotidien, dans l’imaginaire collectif et faire partie des récits de notre époque, sans catastrophisme ou exagération aucune. Les collectivités font leur part comme la nomination d’un Haut Responsable de la Résilience à Paris ou l’élaboration d’un plan résilience à la Métropole de Lyon et la nomination d’un Vice-Président en charge de la résilience du territoire.
Cela rejoint aussi en réalité tous les sujets d’adaptation. L’adaptation au changement climatique bien-sûr, mais aussi l’adaptation à d’autres évènements anthropo-écologiques à venir. Selon moi, elle doit être au cœur de nos sociétés dès maintenant car elle relève significativement de l’imaginaire collectif et de la préparation mentale en amont des planifications plus pragmatiques. Ce sujet est de plus en plus abordé par le GIEC et c’est une bonne nouvelle. Face aux nombreux évènements irréversibles à l’échelle de temps humaine, cultivons notre capacité d’adaptation humaine.
Finir un tel article n’est pas chose aisée, mais j’espère avoir pu apporter des informations éclairantes et surtout pu faire réfléchir, voire lancer des discussions. Ainsi pour terminer, je souhaite partager deux citations pour alimenter ces réflexions. Niko Paech, économiste allemand et penseur de la post-croissance, nous dit « c’est pourquoi le concept de soutenabilité peut s’interpréter, de plus en plus, comme un impératif de « résilience », comme un ensemble de mesures préventives capables d’amortir l’effondrement prévisible. » [39].
Un homme est riche de tout ce dont il peut se passer.
Henry David Thoreau
[1] The limits to growth, Donnella Meadows, Dennis Meadows, Jorgen Randers, 1972 – autrement connu sous les noms de « Rapport Meadows » ou « Rapport au Club de Rome »
[2] IPCC — Intergovernmental Panel on Climate Change
[3] Collapse – How societies choose to fail or succeed, Jared Diamond, 2005
[4] Le terme de « biorégion » a été utilisé par de nombreux auteurs avec autant de définitions. Un rapide tour d’horizon et les critiques associées peut être trouvé sur la page Wikipedia associée : Biorégion — Wikipédia (wikipedia.org)
[5] Site officiel de la Convention Citoyenne pour le Climat
[6] Cahier_Enjeux_Strat_Alim_Grand_Lyon_COMPLET_270519.pdf (grandlyon.com)
[7] https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/eau/20200820_eau_guide.pdf
https://met.grandlyon.com/regie-publique-de-leau-8-bonnes-raisons-pour-sa-creation/
[8] Comparateur de territoire − Intercommunalité-Métropole de Métropole de Lyon (200046977) | Insee
[9] PPRi du Grand Lyon / Risques inondations – PPRi / Les risques majeurs dans le Rhône / Les risques majeurs / La sécurité civile / Sécurité et protection de la population / Politiques publiques / Accueil – Les services de l’État dans le Rhône (rhone.gouv.fr)
[10] La métropole de Lyon et la préfecture intensifient leur lutte contre l’habitat indigne | Les Echos
[11] 01-PCAET_MetropoleDeLyon_2019-2030-VersionMAJ.pdf.pdf (grandlyon.com)
[12] 2019_Schéma-directeur-des-énergies.pdf (grandlyon.com)
[13] L’empreinte matérielle des importations lyonnaises : Millenaire 3, Territoire
[14] La plateforme de Feyzin : 55 ans d’histoire | WikiTotal
[15] Iran power cuts fuel fears in Iraq as scorching summer peaks (apnews.com)
[16] Power outages hit Iraq amid scorching temperatures (apnews.com)
[17] Middle East power crisis: Electricity shortages strike Iran, Iraq, Lebanon and Syria – The Washington Post
[18] France: le nombre d’agriculteurs a été divisé par 4 en 40 ans (latribune.fr)
[19] Le SDMIS : établissement public – SDMIS
[20] Rapport-BEGES_SDMIS_2016_2017_2018_V3.pdf
[21] https://www.croix-rouge.fr/La-Croix-Rouge/La-Croix-Rouge-francaise/En-bref
Protection Civile | Fédération Nationale agréée de Sécurité Civile (protection-civile.org)
[22] Police municipale : Effectifs par commune – data.gouv.fr
[23] Les cinq stades de l’effondrement, par Dmitry Orlov – Institut Momentum
[24] FRIPHARM® : Fabrication, recherche et innovation pharmaceutique | Hospices Civils de Lyon (chu-lyon.fr)
[25] Rapport2020_HCL.pdf (chu-lyon.fr)
[26] Responsabilité sociétale et environnementale | Hospices Civils de Lyon (chu-lyon.fr)
[27] data.granlyon.com : Open data de la Métropole de Lyon (grandlyon.com)
[28] Rapport-BEGES.pdf (grandlyon.com)
[29] https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/france-3-cote-azur-met-place-groupe-solidarite-entraide-aux-sinistres-1880426.html
[30] Qu’est ce que le PDU ? – Sytral
[31] Le parc de véhicules selon leur catégorie Crit’air dans les zones à faibles émissions (ZFE) | Données et études statistiques (developpement-durable.gouv.fr)
[32] Vélo’ V – le vélo en libre-service à Lyon – Lyon France (lyon-france.com)
[33] https://met.grandlyon.com/aide-a-lachat-dun-velo-face-a-son-succes-comment-sorganise-la-metropole/
[34] MET’ – Gratuit : 10 000 vélos en prêt pour les jeunes de la Métropole (grandlyon.com)
[35] Grand Lyon (eco-counter.com)
[36] «Ça m’a amené beaucoup de clients» : les réparateurs tirent un bilan très positif du «coup de pouce vélo» (lefigaro.fr)
[37] https://www.europe1.fr/economie/les-chiffres-du-gaspillage-textile-2738608
[38] http://www.lagonette.org/
[39] Se libérer du superflu – Vers une économie de post-croissance, Niko Paech, 2012
Un avis sur « Lyon 2020 : une analyse collapsologique »
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