Auragritour 2023 : à la rencontre des femmes et hommes qui nous nourrissent !

Avril 2023, nous nous lançons avec mes collègues Fanny Dubot et Gautier Chapuis pour un tour de quatre jours dans la région Auvergne Rhône-Alpes pour aller à la rencontre de celles et ceux qui nous nourrissent !

Pourquoi ? Parce qu’une métropole ne peut pas fonctionner sans être approvisionnée (cf. résilience) et parce que l’enjeu de la transition « agri-alim » est majeur pour manger mieux, protéger notre santé, préserver la biodiversité et l’eau, penser l’égalité d’accès à une alimentation de qualité, sauvegarder le climat, etc. Aussi parce que nous souhaitions voir concrètement la réalité quotidienne des acteurs engagés sur ces sujets et faire le lien avec l’approvisionnement de la restauration scolaire.

On peut d’ores et déjà dire que ce fût un tour extrêmement instructif avec des échanges aussi chaleureux que passionnants sur les réalités de l’élevage, de la bio, des débouchés, de la transformation des aliments, de l’ambition écologique des paysans, des enjeux logistiques, etc.

Un premier ensemble de rencontres concernait des personnes particulièrement engagées dans la qualité alimentaire, la préservation de l’environnement, le bien-être animal, la préservation des savoir-faire.

Elevage de cochons bio (Loire)

Nous avons visité un élevage de cochons bio à la frontière entre le Rhône et la Loire. 90 cochons sont élevés à 100% en plein-air sur un vaste terrain, en partie plat, en partie escarpé à l’ombre des arbres.

Ce qui frappe particulièrement sur cette activité est la question de l’autonomie et de l’adaptation. Déjà, il faut savoir que les cochons élevés en plein-air développent beaucoup de poils pour se protéger du soleil. En complément, Philippe crée en été de grandes flaques d’eau et de boue pour que les cochons puissent naturellement se rafraichir, en complément de se déplacer sous les arbres ou quelques abris. Pour être plus autonome et moins à risque vis-à-vis du changement climatique, Philippe a aussi décidé de planter lui-même la majeure partie de leur alimentation. Il plante de l’orge qui a l’avantage d’avoir une récolte plus précoce que d’autres céréales, étant moins exposé à la sécheresse ou aux gels tardifs. Cette autonomie alimentaire, couplée au fait de travailler avec un abattoir coopératif situé à quelques kilomètres, a limité l’inflation de son côté à environ +4%.

Autre facteur de son autonomie : le réseau des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Ce modèle vertueux lui permet de vendre en circuit-court, de maximiser son temps auprès des cochons et par le passé d’assurer sa transition bio. Car lorsqu’il a engagé sa conversion bio, le réseau des AMAP l’a soutenu pendant deux ans pour que les recettes de ventes puissent déjà correspondre au niveau bio.

En bref. 100% bien-être animal. 100% agro-écologie. 100% qualité.

Champignons bio (Drôme)

Passer d’un élevage intensif de lapins à un élevage de champignons bio, l’histoire commence bien ! C’est dans le diois qu’on trouve cette petite exploitation de shiitakés, pleurotes ou autres hericium. Elle n’a que quelques années et pourtant sa production de 2 tonnes par mois permet déjà d’approvisionner marchés, épiceries, bistrots ou restaurants étoilés !

A l’inverse de la production de champignons de Paris, dont la production et la création du substrat est plus industrielle, le choix a été fait d’avoir une certaine autonomie avec d’autres types de champignons et en créant soi-même le substrat, composé de sciure régionale et d’autres éléments, pour faire pousser les champignons. Ces derniers, dans toute leur diversité, sont une bonne base pour créer des recettes végétariennes savoureuses et texturées. L’intérêt est logiquement grandissant !

Terre Adélice (Ardèche)

La marque de glaces bio, produites dans la Ardèche, n’est plus à présenter dans la région ! Depuis 2020, 100% de la production des 16 000 L par semaine est certifiée bio et permet d’alimenter les épiceries bio, les restaurants, les cafés et les glaciers, dont trois directement opérés par l’entreprise (Lyon, Grenoble et Saint-Sauveur à côté de la Dolce via).

Cette quantité de glace et l’engagement pour la bio a aussi l’avantage de pouvoir structurer les filières agricoles. Car en effet, les fruits utilisés sont pour la plupart achetés en direct producteur, tout comme le lait qui est acheté frais (et non en poudre) et localement. D’autres produits, tels que le sucre ou les fruits exotiques, viennent d’Europe ou d’ailleurs et sont acheminés de manière massive, parfois même dans des impressionnants « barils de purée de fruits ».

Ce qui est remarquable est la volonté de travailler non seulement avec des producteurs, mais aussi de travailler les produits frais et donc de les transformer sur place. Parmi la trentaine d’employés à l’atelier, une partie a pour tâche d’opérer la légumerie interne pour créer les purées de fruits utilisables dans les glaces. Dans une autre pièce, un chef pâtissier s’emploie dans un grand atelier à faire en propre les cookies, caramels, madeleines et autres gourmandises qui composent les parfums de Terre adélice.

Cet engagement pour la qualité des produits fabriqués et avec une démarche sociétale volontariste de l’entreprise est vraiment à saluer !

Picodons AOP Terra cabra (Ardèche)

Le picodon est une histoire de savoir-faire locaux ! Les producteurs d’Ardèche ont engagés les démarches pour devenir une appellation d’origine contrôlée (AOC) dès 1983, pour enfin aboutir à une appellation d’origine protégée (AOP) validée par l’Union Européenne en 1996. Cette appellation vient de pair avec un cahier des charges extrêmement ambitieux sur la qualité des fromages, le bien-être des chèvres et la préservation de l’environnement.

Nous avons rendu visite à Christian à l’atelier d’affinage Peytot à Planzolles. Un atelier d’affinage couplé à une partie « musée » particulièrement pédagogique sur les différentes étapes de préparation, séchage, affinage et transformation des fromages. Les caves comportaient déjà près de 100 000 fromages et dès l’été ce seront plus de 250 000 petits fromages qui n’attendront qu’à être dégustés.

Nous avons également pu visiter l’une des fermes fonctionnant en pastoralisme, comme 95% des fermes d’Ardèche pour le picodon. Là encore, la démarche écologique et intégrée rejoignait les visites précédentes. Les foins et céréales qui permettent de nourrir les chèvres viennent exclusivement des paysans de Drôme et d’Ardèche. Une attention particulière est portée au bien-être animal.

Forcément, les impacts climatiques ont aussi été discutés dans les Monts d’Ardèche. Il faut savoir que, lors des périodes de canicule, la lactation des chèvres est plus faible que la normale. Il peut alors être plus difficile d’obtenir 200L par jour de la centaine de chèvres présentes sur site. D’ailleurs, l’atelier Terra Cabra situé désormais au centre du village était précédemment situé au bord d’un ruisseau. A deux reprises, des inondations avaient saccagé la production des petits fromages. Grâce à l’Etat et à l’Europe, l’atelier actuel a pu être financé pour faire la part belle aux savoir-faire locaux et à l’affinage des picodons.

Préserver les savoir-faire, c’est ici aussi penser la pérennité de la vingtaine de producteurs de picodons à hauteur de 500t par an. Ici, c’est l’économie sociale et solidaire (ESS) qui est intégrée dans le modèle social de la SARL en créant un collège des paysans et en visant de reverser les bénéfices des ventes aux éleveurs, dont on connait la fragilité financière.

Un second ensemble de rencontres était en lien direct avec les cantines scolaires lyonnaises où nous avons porté l’ambition de deux menus de qualité, 50% local et 50% bio dès le début du nouveau contrat, avec une alternative végétarienne par jour. L’objectif de 100% bio reste en place, sachant que le surcoût est pris en charge par la collectivité.

Valsoleil poulets bio (Drôme)

A Soyans, nous avons visité un élevage de poulets bio faisant partie de la coopérative Valsoleil. Deux hangars de 500 m² chacun accueillent ici 4800 poulets. Lors de notre visite, les poussins venaient d’arriver le matin même et nous avons pu voir leur conditions d’élevage intérieur et extérieur.

A l’intérieur du nouvel hangar en bois, il fait près de 30°C. De l’eau et des céréales sont mis à disposition des poussins qui après quelques heures n’ont pas encore la curiosité d’occuper tout l’espace. Ils resteront ici 42 jours, puis pourront jusqu’à 81 jours naviguer entre l’extérieur et l’intérieur avant d’atteindre le poids final d’environ 2,2 kg. En conventionnel, l’abattage se fait après seulement une trentaine de jours avec un espace moitié moins grand et l’usage possible d’antibiotiques. Ici, l’extérieur est très vaste, faisant largement le tour du hangar et permettant aux poulets de se déplacer librement. L’abattage s’effectue également dans la Drôme.

Il est à noter que c’est une activité très précaire avec un emprunt effectué sur 10 ans et des revenus particulièrement faibles jusqu’au remboursement. L’augmentation des coûts de l’énergie, de l’eau et des céréales constitue une claire menace.

Altermonts (Loire)

A la cantine scolaire, depuis la rentrée 2022, le fromage est servi à la découpe ! Nous avons visité la fromagerie Altermonts et un des élevages de vaches laitières pour voir en direct comment tout cela fonctionnait.

Altermonts est une fromagerie collective créée en 2020 avec un investissement de près d’un million d’euros pour reprendre en main le destin du lait (bio). 9 paysans et 4 fermes approvisionnent en lait frais (max 48h) la fromagerie spécialisée pour la production de meules et de fromages à affinage long (en tout cas plus long que ce qui peut se faire en propre dans une ferme). Des fromages qui sont servis à la découpe dans nos cantines. En l’occurrence, un service de cantine, c’est 500 kg, soit près de 14 meules, ou encore 28 000 pots de yaourts !

A quelques kilomètres, à la ferme, un petit atelier existe aussi avec tous les équipements pour faire du yaourt et des crèmes dessert. Une transformation en direct qui attire de plus en plus de paysans pour valoriser davantage leurs activités. La qualité est au rendez-vous et la société a reçu en 2023 le Grand Prix de l’agro-écologie.

En ce qui concerne la cantine, le constat est malgré tout cruel. La production d’une semaine de 28 000 pots de yaourts se consomme en quelques minutes seulement… Au plaisir des enfants qui consomment des aliments de qualité !

La cantine scolaire fonctionne avec une cuisine centrale qui a été équipée davantage en matériels pour mieux cuisiner ou préparer des légumes ou légumineuses, par exemple. Certains aliments bruts arrivent malgré tout déjà découpés. Des activités « support » existent et nous en avons vues deux dans un troisième ensemble de rencontres.

AB Epluche (Isère)

AB Epluche est une légumerie. Un site qui lave, découpe, essore et conditionne des légumes. Ici, la destination est surtout la restauration collective des écoles ou des hôpitaux. Plus de 75% des légumes qui passent ici sont issus de l’agriculture biologique et quasiment tous proviennent de producteurs locaux, cohérents avec la politique d’achat de l’entreprise et les exigences des donneurs d’ordre.

Les courges, pommes de terre, carottes ou céleris passent entre les mains d’une douzaine de salariés qui font ce travail essentiel pour assurer des produits prêts à l’emploi dans les cantines. La structuration des filières bio passe aussi par les politiques d’achat des outils de transformation, en complément de la volonté politique portée pour les collectivités.

Atelier paysan (Isère)

Enfin, nous avons visité l’atelier paysan, une coopérative d’autoconstruction, dispensant des formations aux paysans pour construire ou réparer des engins agricoles. Une fonction support essentielle pour assurer la pérennité des investissements matériels. Il s’agit d’une SCIC créée en 2014 qui emploie près de 25 salariés avec un atelier de montage et de soudure en Isère. Les formations y ont lieu pour apprendre concrètement à construire ou réparer, par exemple un roloflex, un cultibutte ou encore un four à pain. Et tous les plans sont disponibles en ligne sous la licence Creative Commons !

La logique de cet atelier, des formations et des ressources disponibles, est simple : équiper les paysans, mais sans les suréquiper. Utiliser des machines agricoles, mais pas des machines agricoles démesurées qui nuisent au travail humain, entrainent un surendettement et alimentent un cercle vicieux d’agrandissement infini des exploitations.

Voilà pour 2023, à la prochaine !

Et voici les 3 vidéos associées :

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