Bilan CO2 de l’année 2020 : le COVID-19 est passé par là !

Cela fait environ 3 ans que je réalise des bilans carbone (ou plus exactement bilans GES) personnels. En 2017, lorsque j’ai voulu faire pour la premier fois mon bilan annuel, aucun outil web suffisamment détaillé était disponible. Effectivement, mon objectif n’était pas seulement de me situer en terme d’ordres de grandeur sur la belle échelle entre l’humain symbiotique (~2t CO2eq / an) et l’émetteur insensé (12-∞ t CO2eq/an), mais vraiment d’avoir une analyse plus fine de mon impact carbone sur la planète. J’ai donc créé un tableur personnel pour ce faire.

Bilan carbone : kezako ?

Le bilan carbone à proprement dit est une méthode spécifique développée par l’Ademe (NB : un certain JMJ y a contribué) permettant de calculer d’une manière structurée les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un produit en effectuant une analyse de cycle de vie (ACV). Cette ACV analyse toutes les étapes émettrices dans la « production » de ce bien (que ce soit une tomate ou un smartphone), soit jusqu’à l’acte d’achat (cradle-to-gate), soit en prenant en compte la fin de vie de ce bien (cradle-to-grave), soit en supposant un recyclage ou une réutilisation importante (cradle-to-cradle). Par abus de langage, un bilan GES est souvent appelé bilan carbone.

Pour déterminer mon bilan carbone, je me suis largement basé sur des analyses de cycle de vie déjà établies, dont une bonne partie est recensée dans une base pratique de l’Ademe: Base carbone. Elle donne pour certains produits manufacturés ou aliments les données issues d’études ACV passées [1].

Comment faire mon propre bilan carbone ?

Chacun doit-il faire son propre tableur ? Heureusement non ! Entre temps, plusieurs nouveaux outils ergonomiques et assez précis ont été développés. S’il fallait en conseiller un pour une première prise en main facile et rapide : Nos Gestes Climat.

Une année 2020 forcément marquée par le confinement

Sans surprise, nos bilans carbone de 2020 seront très différents des années précédentes dus aux confinements de plusieurs mois, plus d’un quart de l’année, et des restrictions sanitaires en vigueur en général. Cela se traduit par une plus grande consommation énergétique à domicile, moins de kilomètres en transports pour le quotidien (voitures ou transports en commun), peu ou pas de voyages de longue distance, plus ou moins d’achats (selon les personnes ; en particulier des achats en ligne), etc.

Personnellement, cette année se traduit par une consommation électrique plus élevée que les années précédentes et une part liée aux transports qui s’effondre littéralement.

Tout cela m’amène cette année à avoir émis environ 3,8 tonnes d’équivalents CO2 dans l’atmosphère.

Répartition des émissions de GES par secteur prédéfini

? 1,2 tonnes pour les services publics ?
Effectivement, même en prenant en compte tout le cycle de vie de certains objets, certains secteurs comme certains services publics (hôpitaux, polices, administration, éclairage public, établissements publics etc.) sont difficiles à intégrer dans les ACV de produits consommables. Certains calculs ont donc amené à un chiffre, ici arrondi à 1,2 t qui correspond à la part fixe (et non négociable à court terme) des émissions continues des services publics à notre disposition. Il va sans dire que ce chiffre est difficile à calculer et que les incertitudes ne doivent pas être négligeables, vous trouverez plus d’informations ici : Services publics (nosgestesclimat.fr)

Pour vérifier la pertinence de mon tableur, basé sur une granularité plus fine, avec les outils en ligne, je me suis prêté au jeu du simulateur annoncé, voilà le résultat.

Emissions de GES selon l’outil nosgestesclimat.fr

La bonne nouvelle : l’ordre de grandeur est largement le même entre 3,8 t et 4 t. Lorsqu’on regarde dans le détail, il y a néanmoins des différences importantes, notamment sur l’impact de l’alimentation : quasiment du simple au double ! Ce point m’avais justement valu de longues recherches pour trouver une approximation précise prenant en compte une alimentation plus végétale, plus locale, plus biologique. Je ne doute pas que les incertitudes sont à prendre en compte sur l’alimentation.

Une autre différence est liée à l’habitat. Là où mon tableur calcule seulement les émissions liées à la consommation électrique (ou gaz si tel était le cas), le simulateur intègre presque 500 kg CO2eq pour la construction du bâtiment. Effectivement, il y a plusieurs méthodes pour prendre en compte ce type d’émissions, l’important est davantage la cohérence d’ensemble que la méthode choisie. Afficher ce chiffre pour un locataire d’un studio d’un immeuble des années 70 sans connaitre la taille/surface de l’immeuble ou sa durée de vie (pour l’instant l’immeuble tient) peut être questionné.

Enfin, deux différences notables dans la méthode sur des émissions (très) indirectes:
– l’épargne bancaire
– l’impact numérique

Suite à la lecture des rapports sur la sobriété numérique du think tank The Shift Project et à des rapports sur l’impact des banques, j’ai souhaité regardé plus « finement » les émissions liées à des consommations qui nous paraissent plutôt dématérialisées comme l’épargne qui dort sur un compte en banque ou le fait de taper un article de blog comme je le fais actuellement (ou lire des articles, regarder des vidéos, etc.).

Les incertitudes me semblent importantes pour ces deux points, mais il me semblait nécessaire de les intégrer tout de même. Le rapport de 2010 sur l’impact des banques indiquait que chaque euro sur un livret à La Nef (qui a le bilan le plus « positif ») émettrait 0,0034 kg CO2eq. Pourquoi notre épargne émettrait-elle du CO2 ? Parce que cet argent est réinvesti dans des projets de construction ou production divers et variés et, selon les banques, plus ou moins néfastes pour la planète.

Autre point, les émissions liées aux serveurs et autres matériels qui consomment de l’électricité et doivent être renouvelés lorsque des milliards d’utilisateurs utilisent les réseaux sociaux, sites de presse et autres. Oubliez-les mails, c’est bien la « consommation » de contenu numérique qui a un impact plus important, d’autant plus depuis l’avènement des sites sophistiqués, des clouds et plateformes de streaming ou à actualisation fréquente. Je vous invite à lire certains rapports, notamment de GreenIT ou du Shift Project sur la consommation en particulier des vidéos en ligne (spoiler: n’hésitez pas à les regarder en 480p au lieu du 4K++).
On trouve néanmoins des données dont les ordres de grandeur varient fortement: Google Green indique 0,1 g CO2e par minute YouTube, alors que Netflix dit émettre 5 g CO2e par heure (sachant que Netflix est hébergé chez AWS – Amazon Web Services – qui est très peu alimenté par des énergies renouvelables) ou encore 180 g CO2e par heure de vidéo « streamée » (sic) pour un mix européen d’après ledit rapport Lean ICT du Shift [2].

Ceci étant dit et les incertitudes soulignées, ma méthode de calcul choisie indique des émissions de plus d’une tonne liées aux deux secteurs évoqués (hors matériel informatique physique inclus ailleurs). Si des efforts peuvent être effectuées sur la durée et la qualité de visionnage de vidéos (dont un certain nombre de matchs de football !), il faudrait une analyse plus poussée pour le secteur bancaire, sachant qu’il s’agit là de la banque considérée comme la plus vertueuse en terme d’investissement à valeur ajoutée sociale et environnementale. Investir dans du patrimoine matériel (ou immatériel) peut aussi induire un effet rebond lié à l’entretien de ce patrimoine, aux déplacements supplémentaires, etc.

Et maintenant ? On compare des choux et des carottes ?

Effectivement, sans boussole ou donnée de référence, difficile de juger de ces valeurs. Deux données qui permettent de comparer ces 3,8 t CO2eq par rapport aux enjeux climatiques : la moyenne française est d’environ 11t CO2eq par an et par habitant (année hors COVID-19 évidemment) et l’objectif à atteindre est de moins de 2 t CO2eq / an / habitant. Deux commentaires:

  1. Hors COVID-19, les bilans sont plus représentatifs. En fonction de votre situation, en particulier au quotidien, ils ne ressembleront pas à d’autres personnes. Par exemple, quelqu’un vivant dans un petit appartement urbain sans gaz et faisant des trajets domicile-travail en transports en commun ou en vélo n’aura pas le même impact qu’une personne devant prendre la voiture (thermique) pour aller travailler et vivant dans une maison chauffée au fioul. Ces deux exemples ne sont pas aléatoires, les secteurs des transports et du bâtiment sont parmi les plus importants dans les bilans carbone personnels (et ceux des territoires).
  2. L’objectif de 2 t CO2eq /an / habitant est lié à un calcul utilisant l’estimation du GIEC du budget carbone restant (420 Gt CO2eq jusqu’à la neutralité en 2050 dans un scénario se limitant à +1.5°C; rapport SR15). Cette simple division par le nombre d’années et la population impliquerait une égalité parfaite entre tous les humains à l’horizon 2050. Souhaitable ou non, c’est peu probable, d’après moi. Aussi, la population mondiale étant (pour le moment) en croissance, ce budget par habitant diminue donc continuellement…

Une empreinte écologique systémique ?

Pour terminer, il y a bien-sûr des limites aux bilans carbone. L’urgence climatique est absolue et centrale, mais ne doit pas cacher d’autres enjeux environnementaux et socio-économiques majeurs, tels que la consommation d’eau, l’extraction de ressources minières, l’émission de polluants toxiques (air ou sol), etc. Certains organismes tentent de proposer des méthodes pour évaluer une empreinte écologique plus systémique. C’est le cas du Global Footprint Network qui met en avant ce terme « d’empreinte globale ».

Suite au prochain épisode !

Notes

[1] Un article ultérieur pourra discuter la complexité des études ACV, le phénomène d’analyse sans fin et les incertitudes liées à ces analyses.
[2] Une étude récente de Greenspector analyse l’impact du streaming de vidéo MyCanal : Étude d’impact de la lecture d’une vidéo Canal+ – Greenspector

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