Présentation de l’avis de la Ville sur la première étape VP5+ de la Zone à faibles Emissions
Monsieur le Maire, chers collègues,
La pollution de l’air tue.
Voilà le simple, mais glaçant constat que nous pouvons dresser collectivement sur la pollution de l’air. Que ce soit les oxydes d’azote particulièrement issus du trafic automobile, les particules fines et très fines liées au chauffage, à l’industrie et au trafic automobile ou encore l’Ozone formé à partir d’autres molécules dont les NOx, le constat est le même : la pollution de fond, celle qui est chronique, affecte massivement notre santé !
En France, la pollution de l’air c’est 48 000 décès prématurés par an, soit 9% de la mortalité nationale hors COVID. C’est un chiffre qui doit nous interpeller. Ce sont des allergies respiratoires et des pathologies cardio-vasculaires, surtout chez les personnes les plus fragiles : les enfants, les personnes de plus de 65 ans ou encore les femmes enceintes. Ce sont enfin 100 milliards d’euros pour la collectivité, dont une large part liée aux coûts de santé.
Nous avons ici un enjeu majeur de santé publique ! En tant qu’élus, notre inaction à protéger la santé de nos concitoyens et à prendre les mesures qui s’imposent serait irresponsable !
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Malgré la baisse continue des concentrations de ces polluants depuis une quinzaine d’année, la qualité de l’air à Lyon est mauvaise. C’est même l’une des pires en France : je rappelle que notre agglomération est le territoire français qui a connu le plus de jours de dépassement des seuils de pollution en 2019 avec 45 jours en alerte rouge. Hors COVID, nous ne commencions même pas vraiment à atteindre les seuils recommandés de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Car je le rappelle, les valeurs règlementaires ne suivent pas parfaitement les seuils scientifiques.
Et là, patatras : en automne dernier l’OMS publie un nouveau rapport avec de nouveaux seuils recommandés suite à un tour d’horizon scientifique en 2021. Des nouveaux seuils divisés par 2 voire 4 par rapport aux précédents. La pollution de l’air tue et elle affecte bien plus la santé humaine que nous le pensions.
Difficile dans ces conditions de se féliciter de la baisse tendancielle : elle ne suffira pas à épargner des dizaines de milliers de personnes qui souffrent des conséquences de la pollution dans notre métropole. Quand vous avez un objectif, qui plus est de santé publique, il faut non seulement viser dans la bonne direction, mais y aller à la bonne vitesse. Le scénario tendanciel dégraderait la santé des lyonnaises et des lyonnais pendant encore des années et des années.
Ce scénario est inenvisageable, l’inaction est irresponsable. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont l’Union Européenne et le Conseil d’Etat, comme en témoigne la condamnation à deux reprises de l’Etat français pour manquement en matière de protection de la santé de ses habitants.
La ZFE professionnels mise en place en 2020 et interdisant désormais la circulation des véhicules utilitaires ayant une vignette crit’air 3 ou plus n’est pas suffisante. Sans grande capacité de contrôle (observation 7), mais surtout sans grand impact avec l’interdiction de moins de 4% du parc roulant. Voilà pourquoi nous avons besoin d’accélérer et de mettre en place une ZFE pour les particuliers, à l’instar de nombreuses métropoles européennes.
Notre mandat nous oblige, la loi aussi : la Métropole lyonnaise fait partie de ces territoires où l’accélération de la ZFE est obligatoire, où l’atteinte très prochaine des seuils règlementaires est obligatoire, où la baisse drastique des concentrations de polluants sur les grands axes M7 et boulevard périphérique est obligatoire.
Mais nous sommes face à un autre constat : les projections le montrent bien, nous ne serons pas entièrement à la hauteur de l’enjeu de santé publique sans sortie du diesel. Etre à la hauteur c’est quoi ? C’est écouter la science, c’est écouter l’Organisation Mondiale de la Santé. C’est entendre que la pollution de l’air tue et donc nous souhaitons viser les seuils recommandés de l’OMS (Observation 1) !
Le diesel c’est 96% des émissions de NOx, c’est entre un tiers et la moitié des émissions de particules fines. Donc pour protéger la santé des lyonnaises et des lyonnais, oui il faut sortir du diesel à Lyon, il faut le faire rapidement, et nous visons 2026 !
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L’urgence d’agir est là. Le défi est réel, l’objectif ambitieux, nous devons embarquer et accompagner les habitants dans cette transition. La métropole a pour ce faire lancé une grande concertation qui est en cours jusqu’au 5 Mars, pour consulter, écouter, entendre les besoins des habitantes et habitants et définir avec eux les besoins d’accompagnement, de dérogations temporaires, d’aides financières, d’alternatives à la voiture individuelle, qui offrira à chacun une solution adaptée à sa situation. Aujourd’hui, nous rendons un avis sur la première étape en question.
Nous allons définir des mesures d’accompagnement grâce au bilan que nous tirerons de la concertation. En parallèle, nous continuons à développer les alternatives à la voiture individuelle, afin de permettre à celles et ceux qui le peuvent de changer de mode de transport de le faire. Ces alternatives existent déjà et, sans répondre encore à tous les besoins, sont déjà très performantes. Car je le rappelle, nous avons un des meilleurs réseaux de transport en commun de France, bien maillé, efficace et accessible. Nous avons un nombre grandissant d’aménagements cyclables. Nous avons une plateforme dédiée au covoiturage du quotidien qui rassemble plus de 30 000 inscrits. Nous avons un programme de déploiement de bornes de recharge électrique.
Nous sommes pleinement engagés pour améliorer l’existant et nous soulignons tout particulièrement son importance (observation 6). Ce travail est déjà engagé à court terme avec la création de couloirs bus, mais également les 10 corridors bus avec un travail tant sur les aménagements de voirie que sur les priorités au feu. C’est ainsi que des dizaines de milliers de grands lyonnais pourront se déplacer plus efficacement à court terme vers ou depuis Lyon. Nous renouvelons aussi le matériel roulant afin d’offrir de plus grandes capacités, plus de confort et parfois même des itinéraires améliorés comme c’est le cas de la continuité désormais assurée par la ligne C11. C’est enfin, l’amélioration continue de l’existant à travers une adaptation semestrielle de l’offre. Dernièrement, c’est une augmentation de la fréquence de 9 à 8 minutes de la ligne C6 depuis Novembre 2021. Ou encore l’utilisation de bus hybride IMC pour la ligne C11 offrant +30% de capacité à chaque voyage depuis l’été 2021. Ou encore l’injection d’une rame supplémentaire de 43m sur la ligne T4 depuis début 2022, afin d’augmenter la fréquence et notamment limiter les surcharges du matin.
Dans ce mandat nous investissons plusieurs milliards d’euros pour créer de nouvelles lignes de tramway, T6N, T9, T10, les bus à haut niveau de service reliant Part-Dieu à l’est et à l’ouest et le prolongement du métro B. Nous débattrons également prochainement du futur des lignes fortes à horizon 2040. Nous investissons aussi pour permettre à la pratique cycliste de se développer, en investissant des centaines de millions d’euros pour les voies lyonnaises et les infrastructures de stationnement dédiées. Une accélération du déploiement de l’autopartage pour les usages occasionnels de la voiture. Des infrastructures et une plus grande mise en avant de la plateforme du covoiturage du quotidien. Le bouquet d’alternatives à la voiture thermique individuelle existe, il doit continuer à s’étoffer, c’est le sens de la politique de mobilité que nous menons résolument avec la métropole.
Alors que 40% des ménages n’ont déjà pas de voiture, alors qu’une majorité de trajets effectués en voiture dans la Métropole est de moins de 10 km, dont environ 40% de moins de 3 km, ces alternatives prennent tout leur sens : cette transition est possible !
Elle est possible mais nous devons l’accompagner. C’est pourquoi nous soulignons l’importance d’abord des dérogations temporaires et des aides financières en fonction des revenus (observation 4). Dans le cadre de cette première étape VP5+, la Métropole propose une dérogation jusque fin 2023 pour les véhicules des ménages les plus modestes. Elle prévoit également des dérogations pour les personnes en horaires décalées ou étant sans alternatives pour se rendre au travail. Elle propose des aides financières complémentaires à celles de l’Etat, en fonction des revenus, pour un reste à charge presque nul pour un foyer très modeste pour l’acquisition d’une voiture d’occasion crit’air 1 ou quelques milliers d’euros pour un véhicule 100% électrique pour ce même foyer. Une telle voiture coûte considérablement moins cher en carburant qu’un véhicule crit’air 5, à usage équivalent. Si des restes à charge de quelques milliers d’euros restent importants, ce sont aussi les prêts à taux zéro qui permettent la transition. En complément, la dérogation permet à plus de ménages de faire coïncider l’arrivée du nouveau véhicule avec la fin de vie de leur véhicule Crit’air 5.
C’est pourquoi nous souhaitons contribuer à l’ampleur du service de conseil en mobilités, sans oublier l’apport essentiel et direct des mairies d’arrondissement à Lyon (observations 3 et 5). Car la transition des mobilités nécessite un accompagnement personnel et humain, comme le font les nombreuses métropoles européennes qui ont enclenché la dynamique. L’enjeu est aussi de répondre au défi du non recours aux droits, en s’assurant de donner une information claire, lisible et individualisée à nos concitoyens. D’autant plus lorsque de multiples aides et dispositifs se chevauchent entre différentes collectivités et organismes.
C’est pourquoi nous soulignons l’importance d’une communication massive et ciblée en même temps (observation 2), afin de faire connaitre tant les différents échéanciers de la ZFE, mais également connaitre les alternatives à la voiture, les dérogations, les aides, ainsi que les guichets uniques de conseil. C’est à travers ce développement sans précédent des alternatives, cet accompagnement personnalisé et les dispositifs de dérogations et d’aides ciblées pour les populations dans des situations sociales précaires que nous réussirons à faire une ZFE à la hauteur de l’enjeu sanitaire et de façon socialement juste.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de donner un avis favorable à la mise en place de l’interdiction de circulation des véhicules crit’air 5 et plus, soit des véhicules de plus de 20 ans en Septembre 2022 avec les 7 observations que je vous ai listées jusqu’ici. Vous l’aurez compris, nous avons une attention particulière à ce que cette transition se fasse de manière juste. Cela vaut surtout pour les deux grandes alternatives à la voiture : le vélo et les transports en commun. Sur le vélo, c’est pour cela que nous avons baissé les tarifs de My vélo’v en location longue durée et c’est pour cela que nous avons mis en place le service Free velo’v, prêtant gratuitement 10 000 vélos à de jeunes boursiers ou dans des parcours d’insertion pour plusieurs mois.
Sur les transports en commun, c’est pour cela que nous avons voté au SYTRAL la mise en place de nouvelles tarifications pour rendre les transports en commun plus accessible pour de nombreux publics. A Lyon, plus de 11% de la population a déjà accès aux tarifications solidaires. 23 000 abonnements gratuits et 38 000 abonnements réduits à 10€ par mois. Ce sont également plus de 40 000 étudiants habitant à Lyon qui bénéficient de la baisse de l’abonnement étudiant à 25€ par mois. Ce sont des sorties scolaires gratuites et des familles qui, particulièrement pendant les périodes de vacances, bénéficient de la simplicité du nouveau ticket famille, alors que le précédent dispositif nécessitait d’aller en agence TCL, de porter son livret de famille et de se déplacer qu’à certaines horaires. Voilà comment rendre les transports en commun plus accessibles et redonner du pouvoir d’achat d’une manière ciblée, tout en continuant à soutenir le développement du réseau.
Chers collègues, les Lyonnaises et les Lyonnais comptent sur nous pour protéger leur santé. Alors engageons résolument ce processus pour être à la hauteur de leurs attentes. C’est une évidence, relevons ce défi d’une meilleure qualité de l’air. Oui tout comme la lutte contre le changement climatique, c’est un défi exigeant. Regardons la réalité en face : c’est chaque jour la santé de milliers de personnes qui est affectée. Ce n’est pas une fatalité, je vous demande mes chers collègues de ne pas vous résigner à ce qui est un vrai scandale sanitaire, mais de vous engager pour que nous puissions permettre au collectif, enfin, de respirer un air pur. Les dispositifs d’aides et d’accompagnement pour apporter à chacun une solution existent et seront définis pour que cette transition soit la plus efficace possible : définir ces mesures est tout l’objet de la grande concertation engagée, elle est là pour cela, pour écouter les besoins et atteindre les objectifs qui sont les nôtres. Soyons confiants sur l’intelligence collective pour y arriver !
Je vous remercie !