Contribution LyonMag // Question des transports : Et si on arrêtait de s’en prendre à notre santé ?

Je le sais : la question des transports divise. C’est vrai à Lyon comme dans toutes les grandes villes d’Europe, voire du monde. Pourtant, elle ne devrait pas nous opposer. Car au fond, elle touche à un enjeu fondamental : la protection de notre santé. Cela n’empêche pas le débat, bien au contraire. Il est normal, sain même, que cette question suscite des avis divergents.

Quand on parle de transition des mobilités à Lyon, de quoi parle-t-on exactement ? Il s’agit d’améliorer le réseau TCL (2500 M€ investis entre 2020 et 2026), d’élargir la place des piétons et de créer des espaces verts (plus de 500 M€ sur le mandat), de développer un réseau cyclable sécurisé (environ 200 M€), ou encore de favoriser le covoiturage, l’autopartage ou les véhicules électriques. Est-ce une volonté cachée d’« interdire la voiture » ? Soyons clairs : non. Aucun élu ne porte une telle intention.        

Mais Lyon n’est pas Copenhague ou Berlin. Notre territoire, façonné par 2000 ans d’histoire, dispose d’un espace public restreint. Nous n’avons pas de larges boulevards à redistribuer sans conséquence. Planter une rangée d’arbres ou améliorer les alternatives à la voiture impose de repenser l’espace alloué à chaque mode de transport. C’est une réalité physique. Ainsi, la place de la voiture diminue, après avoir connu son apogée dans les années 1970-80, dans la continuité de l’action publique menée par Gérard Collomb.

Ce qui me semble inacceptable, en revanche, c’est lorsque certains – élus, responsables politiques ou figures médiatiques – s’en prennent directement à notre santé et à celle de nos enfants. Le cas de la ZFE (Zone à Faibles Émissions) en est l’illustration parfaite.
Ce dispositif, instauré à l’échelle nationale, repose sur un système de vignettes Crit’Air qui classent les véhicules en fonction de leur niveau de pollution lié à leur âge. Les particules fines et les oxydes d’azote, visés par ces mesures, sont scientifiquement reconnus comme nocifs pour la santé.

La ZFE n’est pas une lubie locale, mais une obligation légale, et dans les métropoles comme Paris ou Lyon, elle va jusqu’à l’interdiction des véhicules Crit’Air 3. L’OMS, dans une mise à jour de ses recommandations scientifiques en 2021, a d’ailleurs proposé de diviser par deux – voire par quatre – les seuils de pollution tolérables.

Améliorer la qualité de l’air est plutôt un objectif consensuel. Et pourtant, depuis quelques mois, la ZFE est devenue le punching-ball de nombreuses formations politiques. C’est absurde. Sa raison d’être est justement d’accélérer la baisse des polluants atmosphériques. Supprimer la ZFE maintenant serait un signal catastrophique, un aveu d’abandon de la santé publique. Et c’est pourtant ce qui est en train de se jouer.

Soyons honnêtes : personne n’est attaché au dispositif technique de « ZFE », l’objectif est bien de protéger notre santé. Si d’autres leviers permettent d’atteindre le même résultat plus efficacement, allons-y ! Mais dans les faits, les ZFE fonctionnent. J’ai grandi dans une ville en Allemagne où la ZFE est en place depuis 2014. L’expérience internationale nous invite à davantage d’humilité, face au constat que les ZFE contribuent bien à l’amélioration de la qualité de l’air, entre autres actions nécessaires.

Certaines attaques récentes confinent à la démagogie pure : qu’il s’agisse de « l’appel aux gueux » (sic) d’Alexandre Jardin ou des demandes de suppression totale des ZFE soutenues par LR, LFI et RN. Sur le fond, c’est une erreur. Politiquement, je le pense aussi, sauf si l’ensemble des femmes et hommes politiques concernés souhaitaient envoyer le signal qu’ils n’en ont rien à faire de la santé de leurs concitoyens. Ce n’est probablement pas le cas, mais en engageant une stricte suppression, c’est bien le message envoyé.

En réalité, le message envoyé va au-delà. C’est un peu « l’écologie ça commence à bien faire », tout en oubliant que les écologistes défendent certes la protection de la santé, mais ne sont pas à l’initiative des ZFE en France. Et on sait que la conception du dispositif aurait été plus juste socialement et plus progressive si des écologistes l’avaient conçu. Je ne suis pas dupe. S’attaquer à la ZFE s’intègre dans une tendance récente, le backlash écologique (ou greenlash). Bien des élus s’attaquent vigoureusement à tout ce qui touche à l’environnement ou à la santé et profitent de ce moment où ces questions sont un peu moins prioritaires aux yeux des Françaises et Français (selon les enquêtes d’opinion) pour acter des reculs massifs. Une situation vertigineuse à mon sens, cf. les quelques lignes que j’ai écrites en début d’année sur mon blog (lire sur vlstr.com).

Ce que ne disent pas les élus et responsables politiques qui s’attaquent à la ZFE et autres, c’est qu’ils s’attaquent à votre santé. Car oui nous pourrions nous passer de la contrainte des ZFE, si nous assumions des politiques urbaines et rurales plus ambitieuses encore sur la question des transports. Or, ce sont en partie les mêmes qui sabrent les budgets, les aides et accompagnements, critiquent les travaux et refusent toute ambition en matière de transports en commun, urbains, périurbains ou ruraux. Pour la cohérence, on repassera…

Je le disais en introduction, la question des transports est directement liée à la question de la santé. Preuve à l’appui, le travail engagé sur le territoire lyonnais a permis de baisser de -23% les émissions de NO2 et de -11% celles des particules fines (2019 / 2023, source ATMO AURA). Nos politiques ont permis de diviser par deux le nombre d’accidents et le nombre de blessés graves à Lyon (2019 / 2024, source ONISR). Enfin, avec l’augmentation de l’usage du vélo et la baisse de la vitesse/circulation automobile, ce sont respectivement la sédentarité qui recule et le bruit qui diminue.

Alors, pourquoi s’arrêter maintenant ? Continuons à agir pour des mobilités plus sûres, plus saines, plus justes. Parce que notre santé n’est pas négociable.